
Décryptage : focus sur les femmes dans la filière laitière
Les femmes occupent une place essentielle dans la filière laitière française, en tant qu’éleveuses, techniciennes, ingénieures, formatrices ou responsables d’entreprises. Pourtant, elles restent sous-représentées dans certains métiers, notamment en élevage, où elles ne représentent que 16 % des éleveurs de moins de 40 ans.
Elles sont davantage présentes dans les entreprises de transformation laitière (38 %), mais cette moyenne masque de fortes disparités selon les postes. Les fonctions administratives, par exemple, sont très largement féminisées (83 %), tandis que les métiers de la production, de la maintenance ou de la logistique restent majoritairement masculins.
Ces écarts soulignent la nécessité de mieux comprendre les freins à l’installation et à la progression des femmes dans la filière. Aujourd’hui, ces freins sont identifiés : accès au foncier, poids des stéréotypes et des préjugés, pénibilités physiques, difficultés à concilier vie professionnelle et vie familiale. Ils doivent désormais être levés.
C’est pourquoi le Cniel et ses partenaires de la filière laitière ont engagé une réflexion collective pour passer à l’action et renforcer l’attractivité des métiers du lait pour les femmes. Cette dynamique s’inscrit dans l’élaboration d’une feuille de route, en cours de construction, visant à identifier des leviers d’action concrets et adaptés aux réalités du terrain.
Parmi les pistes explorées : la valorisation de la diversité des profils de professionnelles, la diffusion de ressources facilitant l’installation, ou encore l’amélioration de la qualité de vie au travail. Flore Javelle, chargée de mission attractivité a récemment rejoint le Cniel pour piloter cette démarche.
3 questions à Flore Javelle
Qui es-tu ?
Flore Javelle, je suis chargée de mission au Cniel sur les questions d’attractivité et particulièrement de place des femmes dans la filière laitière.
Ingénieure agronome de formation, je me suis orientée vers un cursus spécialisé en agriculture et développement des territoires. Cette spécialité offrait une vision transversale et politique du rôle des acteurs locaux et leur capacité à mener des projets collectifs autour de sujets comme les systèmes alimentaires ou le développement agricole et environnemental.
J’ai choisi un cursus agro parce que je voulais « changer le monde » !
J'ai eu l'opportunité de faire mon stage de fin d'études à l'Idele afin de prolonger une étude portée par le GIS Avenir élevage, sur le travail des femmes en élevage. Le Cniel souhaitait un focus spécifique sur les cheffes d'exploitation en bovin lait et ainsi a établi une convention pour financer ce travail, sous la forme d’un stage. J'ai donc rejoint l'Idele en avril 2024 pour mener ce projet, qui a été passionnant !
Ce travail a permis de faire émerger de nombreuses idées et de produire de nouvelles connaissances sur ce sujet, d’en comprendre les attentes. Dans sa continuité, j’ai récemment intégré le Cniel pour élaborer un plan d’actions visant à renforcer la place des femmes dans la filière laitière.
Qu’est ce qui t’anime ?
Ce qui m’anime, c’est comprendre comment les gens fonctionnent, dans leur individualité mais également dans le collectif. Je suis fascinée par les dynamiques humaines, par les mécanismes qui influencent nos comportements, nos choix, nos interactions.
Cette appétence m’a naturellement menée vers la sociologie qui offre les clés de lecture pour resituer les individus dans leur contexte, de comprendre les dynamiques de groupe, les différences entre les catégories sociales, entre les genres… Par exemple, pourquoi dit-on que les hommes réagissent d’une certaine manière, et les femmes d’une autre ? Quelles sont les origines de ces représentations, et comment influencent-elles nos rapports collectifs ?
Dans le monde interprofessionnel, cette compréhension est essentielle. Tout repose sur l’humain, sur les relations, les interactions, les alliances. Les blocages, les crises, comme les réussites, prennent racine dans les dynamiques humaines. Et c’est là qu’une lecture sociologique devient précieuse : elle permet de décrypter, de comprendre et de trouver des leviers d’action.
Car au fond, on ne peut pas imposer un changement technique si l’humain ne l’a pas compris, intégré, adopté. Le progrès n’a de sens que s’il résonne avec celles et ceux qui le portent.
Un projet dont tu es fière ?
Je suis très fière et d'autant plus motivée de pouvoir passer de la théorie à la pratique ! Ma mission au Cniel s'inscrit dans la continuité du stage mené à l’Idele sur le travail des cheffes d'exploitation en bovins lait. Ce sujet est particulièrement important dans un contexte où le renouvellement des actifs en élevage bovin est au cœur des priorités. D’ici 5 ans, 50% des éleveuses et éleveurs laitiers partiront à la retraite, attirer de futures recrues est donc primordial et les femmes représentent un vivier formidable qu’il faut valoriser de toute urgence.
Durant cette expérience, j’ai eu la chance de rencontrer de nombreux acteurs, de découvrir le monde interprofessionnel ainsi que la diversité des élevages laitiers. Je suis fière de poursuivre mon travail au Cniel et de passer de la théorie à la pratique à travers la création d’un plan d’actions concret pour valoriser la place des femmes dans la filière laitière.
Chaque jour, je continue à apprendre sur ce sujet, à apprendre des autres, à aller sur le terrain afin de comprendre les freins et les opportunités à l’engagement des femmes dans nos métiers.
J'ai la chance d'être soutenue dans cette nouvelle mission par l'interprofession, notamment grâce à l'engagement de Marie-Andrée Luherne, présidente déléguée du Cniel, mais aussi par sa gouvernance et sa direction.
L’éleveuse laitière, mettre en lumière les femmes de la filière laitière
Ce supplément de 24 pages vous propose de rencontrer 9 femmes qui ont choisi la filière laitière, cheffe d’entreprise, salariée engagée sur la ferme, étudiante, inséminatrice, chercheuse en alimentation animale ou encore directrice de laiterie, qui illustrent toutes le dynamisme et l’engagement qui font que notre filière avance !